En 2011, fraîchement débarqué à New-York, je rencontre Jordan Mahome, metteur-en-scène afro-américain, qui me propose le rôle de Flo’Rance dans The Colored Museum.
Lors de la première répétition, je suis accueilli par une équipe entièrement afro-américaine. Je dois interpréter un esclave et me mets alors à improviser en langue Bassa, la langue de mes parents, au milieu d’anglophones qui ne comprennent pas un mot de ce que je dis.
D’ailleurs moi non plus je ne comprends pas toujours ce qu’ils me disent.
Je vais dans les gradins. Je pleure. Je me demande ce que je fais là, en Bassa. Et il se passe quelque chose en moi. C’est la première fois qu’au théâtre je me retrouve aussi intimement lié au personnage que j’interprète, à des problématiques qui me bouleversent. La première fois que je parle la langue de mes ancêtres.
Ressurgissent alors, des sensations d’enfance, mes tantes, mon père, mes frères, mes sœurs...
Le metteur en scène et ses acteurs sont heureux de m’avoir parmi eux. Ils croient que c’est moi qui les connecte à l’Afrique. Pourtant c’est l’inverse.
C’est ici, aux Amériques, grâce au travail des afro-américains et de leur histoire que s’ouvre un pan de la mienne.
Dans cette pièce, pas de grandes épopées, simplement des portraits d’afro-américains qui jouent de leur état, dans leur langage, c’est simple, efficace, caractérisé et toujours un peu décalé. Les personnages se répondent au fil des tableaux, pour créer une fresque empreinte d’un rythme, d’un goût particulier. Je repense à mes différents voyages, aux africains croisés à travers le monde, à cette énergie qui relie cette diaspora, qui s’exprime ici, sans aucun complexe.
La dernière représentation est suivie d’un débat avec le public. Je m’exprime et je m’engage.
Un jour, je monterai ce spectacle en France.
Raymond Dikoumé, 2022