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Festival de Marseille

Contre-performances. À propos de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon

"Dans Perform or Else, John Mc Kenzie retrace l’essor du terme « performance » après-guerre en identifiant les trois paradigmes qui en font une clé de lecture de l’époque. À la fois mode d’expérimentation artistique, modèle d’organisation néolibéral et forme du projet industriel, la performance est ramenée à l’expression d’une même efficacité, saisie à l’aune de sa définition comme « accomplissement ». Toutes les performances artistiques néanmoins ne répondent pas à cette injonction à la réussite qui constitue le bruit de fond du capitalisme tardif. Nombre d’entre elles cherchent au contraire à promouvoir l’échec et la non-maîtrise, à se constituer en somme comme un lieu critique de l’idéologie productiviste, à l’instar des contre-performances de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon. Chez chacun d’eux, le refus de souscrire aux injonctions au succès est constitutif de styles esthétiques – le mal-fait, le déceptif ou l’inconséquent – qui, bien que dévalorisés, s’avèrent souvent émancipateurs. En mettant en œuvre ces résistances qui n’en sont pas, ou n’en ont pas l’air, ils invitent l’art à s’affranchir de tout postulat fonctionnaliste.

 

Le loser, une identité oppositionnelle


Performance et performativité entretiennent une relation intime, au sens où l’art contribue à faire reconnaître des identités marginalisées sur la scène du social. À contrepied des modèles néolibéraux du self-made-man ou de la winneuse, les trois artistes donnent ainsi corps à des subjectivités « du bas », des losers qui agissent comme des figures oppositionnelles, mettant en question le conformisme gentrificateur et l’ambition de tout réussir.


Sous un pseudo qui marque sa résistance à l’identification, John Deneuve agit en anti-héroïne en habits de lycra ou de lumière qui fait d’un escabeau un agrès de fortune qu’elle ne gravit jamais vraiment, ou alors sans grâce, ni souplesse. Désublimées, ses performances donnent à son art, qui ne prétend pas s’élever, l’image d’une gymnastique sans visée orthopédique, ni spectaculaire. Expressions d’une « esthétique du handicap », marqueur oublié de la modernité selon Tobin Siebers, elles déconstruisent les représentations idéalisées du corps compétitif et de l’artiste virtuose portées par une énergie franche et volontaire. Sans peur du ridicule, toute en gesticulations, Wonder-John Deneuve a l’attitude comme la vertèbre déplacées, elle signe la revanche des malhabiles qu’on appelle les « bras-cassés ». 


[...]


Il en va ici des contre-performances de John Deneuve, Myriam Omar Awadi et Nicolas Puyjalon comme de la « nonperformance » théorisée par Fred Moten : elles mettent en œuvre une stratégie de sabotage de la machine capitaliste qui est aussi un art du ralentir, du mal faire et du dysfonctionner. Alors que l’autonomie de l’art n’a jamais été aussi menacée par le programme extractiviste du capital, elles en réaffirment, par l’efficience et le non-agir, le potentiel d’antagonisme, transformant leurs ratés en dissidences pour mieux célébrer tous ceux qui arrivent à ne pas être ce qu’on attend d’eux."



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Florian Gaité - Réseau Documents d'Artistes 


Avril 2024